« L es prix sont stables pour le bel ancien et le récent propre. En revanche, les biens anciens situés dans les immeubles des années 60 baissent de manière importante. Il y a un an, j'ai vendu avenue
Crampel un 70-m2 de ces années-là 170 000 E ; je viens de vendre un appartement similaire dans le même immeuble 120 500 E », témoigne Guilhem Lorendeaux, de la Bourse de l'immobilier du Pont-des-Demoiselles. De
nombreux signes indiquent en effet une amorce de baisse des prix dans l'immobilier ancien dans l'agglomération toulousaine, du moins pour les produits les moins recherchés, comme ceux des années 60, et les moins bien
situés. « On revient à des valeurs plus saines, à une situation plus normale, après deux ou trois ans de frénésie », analyse Bertrand Pezet, président de la chambre syndicale
de Haute-Garonne de la Fnaim.
Si la chambre des notaires et son outil de mesure, Perval, continuent d'observer une hausse annuelle du prix moyen des appartements anciens de 7,6 % au 31 octobre 2007 (avec un prix moyen de 2 476 E pour 2 900 biens vendus), le baromètre du
site Internet Seloger.com observe, quant à lui, une baisse annuelle des prix de mise en vente de 3,4 % en janvier 2008 (contre une hausse de 6 % l'année précédente). L'écart des chiffres s'explique par le
décalage important entre la situation actuelle et les données des notaires-qui arrêtent les calculs avec les actes définitifs passés au troisième trimestre 2007, soit plusieurs mois après la validation
du prix lors de la signature des promesses de vente. Un décalage sans conséquences dans une situation de hausse continue des prix comme ces dernières années (+ 11,7 % en 2002, + 16,6 % en 2003, + 23 % en 2004, + 20,7 % en
2005 et + 15,5 % en 2006 pour les appartements anciens en Haute-Garonne), mais gênante quand la situation se retourne. Autre différence : les prix de Seloger.com sont ceux des mises en vente, et non des ventes elles-mêmes. Depuis
septembre, les propriétaires ont commencé à prendre en compte la nouvelle donne du marché et l'évolution du rapport de forces entre acheteurs et vendeurs. Ils ont donc plus facilement accepté de revoir leurs
prétentions parfois déraisonnables à la baisse.
« Quand le produit est à la vente depuis plus de six mois, d'eux-mêmes des vendeurs reviennent vers nous pour baisser les prix », observe Stéphane Grosrenaud, de Saint-Pierre Immobilier. Tous les
agents immobiliers ont des exemples d'ajustements de prix plus ou moins sévères à raconter. Ainsi ce 4-pièces en duplex de 87 m2, chemin de la Flambère, proposé pendant plusieurs mois à 240 000 E,
baissé à 229 000 E avant d'être négocié finalement à 208 000 E. Ou cette maison de 5 pièces de 190 m2 dans le quartier pavillonnaire de Rangueil, dont les propriétaires ont commencé par
demander 550 000 E avant de baisser à 475 000 E au bout de cinq mois. Ou encore cette histoire rocambolesque d'une maison de village à Mauressac, près d'Auterive : mise en vente en mars 2007 à 285 000 E, un acheteur fait
une offre à 230 000 E, refusée par le propriétaire, qui revient finalement fin octobre en proposant 245 000 E avant de lâcher son bien pour 232 000 E en novembre, soit une baisse de 18 % du prix de départ ! Le
propriétaire était arrivé au bout de son prêt relais...
« J'ai une alerte sur seloger.com pour des biens entre 170 000 et 270 000 E, témoigne Cécile, acheteuse en quête d'opportunités. Là où je ne voyais plus rien sous les 250 000
E à Toulouse, je commence depuis mi-janvier à retrouver des biens entre 210 000 et 240 000 E. Soit les agences ont effectué un travail qualitatif, soit les vendeurs reviennent naturellement à la réalité.
»
Une réalité qui leur est durement rappelée par les stocks qui s'allongent dans les journaux gratuits et les vitrines des agences. Dans les 16 agences de Laforêt Immobilier de Toulouse et de la première couronne,
la durée moyenne du mandat est passée de 85 jours au premier trimestre 2007 à 105 jours au quatrième. Même phénomène dans le réseau Bourse de l'immobilier (38 agences dans l'aire urbaine
toulousaine) : la durée de commercialisation est passée de 60 jours en octobre 2005 à 107 jours en octobre 2007. « Il y a deux ans, ça entrait et ça sortait, se souvient Stéphane Rose,
directeur régional de la Bourse de l'immobilier. Aujourd'hui, le temps d'écoulement s'est allongé d'un mois à un mois et demi. »
Les acheteurs ont changé d'attitude. « Il y a trois ans, il y avait des achats très rapides. Des ventes se faisaient dans les deux jours, se rappelle Thierry Muguet, de Laforêt Immobilier Toulouse
Nord. Aujourd'hui, même si le bien correspond aux besoins de la personne, les délais de concrétisation sont beaucoup plus longs. » Le choix offert incite le consommateur plus averti à comparer. Un choix
qui n'est bien sûr pas le même dans tous les quartiers ni sur tous les types de biens. « Nous avons cherché pendant cinq mois pour trouver de l'ancien à rénover avec terrasse dans le centre, nous n'avons
visité que deux ou trois biens, car il y a très peu d'offres », témoigne Sophie, ingénieur commercial de 29 ans, qui a finalement déniché un ancien grenier de 140 m2 dans un immeuble du XVIIIe
siècle, rue de la Pomme, pour 347 000 E. « En revanche, des amis qui cherchaient en même temps que nous une maison en banlieue dans les 300 000 E en ont visité une quarantaine ! »
Les biens qui se vendent toujours très vite sont ceux au-dessous de 200 000 E. « Ce qui marche le mieux, c'est le petit appartement, studio, 2 et 3-pièces entre 120 000 et 180 000 E, explique Gérard
Kleinman, directeur d'API immobilier à Balma et président du SIA Haute-Garonne (service interagences regroupant 55 agences). A partir du 4-pièces à 300 000 E, ça bloque. On peut passer une annonce et n'avoir
aucun coup de fil. Les pires produits sont les intermédiaires, les maisons à 400 000 E ou les 3-pièces à 180 000 E qui n'en valent que 165 000. Ils sont invendables sauf s'ils sont bien placés ou dans des
résidences fermées. »
Si les acheteurs sont si prudents, c'est qu'ils guettent la baisse tant attendue qui pourrait leur permettre de réaliser enfin leur rêve d'accession à la propriété. Ils diffèrent donc leur achat. Mais la
hausse des taux grignote l'hypothétique baisse des prix. « En deux ans, j'ai perdu 20 000 E de pouvoir d'achat à cause de l'augmentation des taux, enrage Cécile, 31 ans, qui attend d'être en CDI pour
acheter. Or mes besoins n'ont pas changé. Demain, si j'achète, je perds 40 m2 par rapport à la location. »
Les acheteurs ayant le budget suffisant pour faire une acquisition se font plus rares dans les agences et dans les banques. Chez CIL Interlogement, organisme du 1 % patronal regroupant 2 000 entreprises de Haute-Garonne et dont le service Eurocil
Habitat Conseil tient des permanences dans les plus grandes, comme Airbus, Astrium, Thales, Freescale ou Sanofi, les candidats à l'accession sont passés de 12 000 en 2006 à 9 000 en 2007. « Ils ont des
difficultés à trouver des biens en adéquation avec leur budget , explique Frédéric Pothier, conseiller habitat chez Eurocil. De plus, les banques ont durci leurs conditions d'attribution des
prêts immobiliers. » Des dossiers qui auraient fait l'objet d'un accord un an plus tôt sont refusés. « Cela concerne les personnes avec un apport faible, à la limite de l'endettement possible, ou
pour une acquisition dans une commune à plus de 30 kilomètres de Toulouse, précise-t-il. Faire une opération à 40 kilomètres, sans apport et en empruntant sur trente ans, sera de plus en plus
difficile . »
Les banques prennent désormais en compte le budget carburant dans les capacités d'endettement des ménages qui choisissent de s'éloigner. Cela devrait freiner le départ des familles à revenus modestes de
plus en plus loin de Toulouse et de leur lieu de travail. Selon les chiffres de l'ObserveR et du Syndicat des aménageurs-lotisseurs, en 2007, 40 % des terrains en lotissements se sont vendus en quatrième couronne toulousaine (la seule
où l'on trouve encore des terrains à moins de 100 000 E) et 75 % en troisième et quatrième couronne.
La situation est-elle en train de changer ? Selon l'Agence d'urbanisme de l'agglomération toulousaine, dans son « Perspectives Villes 2007 », les permis de construire accordés dans la ville centre ont augmenté de
60 %. Les logements sociaux et les logements à coûts maîtrisés, mixés aux logements privés dans chaque programme, tentent de se développer dans la ville centre et sa proche banlieue. Cela suffira-t-il
à répondre à la demande d'une population croissante (6 000 habitants de plus à Toulouse chaque année, et 19 000 dans l'agglomération), au pouvoir d'achat rongé par la hausse des taux et des prix, dans
une ville devenue la septième la plus chère de France, avant Bordeaux ?
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